Entre révolution industrielle et eau thermale, la folle histoire du Touquet-Paris-Plage

Eau thermale

Quel est le lien entre le quotidien Le Figaro, le Prince de Galles, Veolia et l’avènement des chemins de fer du XIXe siècle? C’est Le Touquet ! Derrière ce lieu de villégiature paisible se cache un véritable pari : celui de transformer un hameau sur la Côte d’Opale en station balnéaire qui ferait pâlir de jalousie Cannes ou Biarritz. 

Le Touquet-Paris-Plage, station balnéaire légendaire située sur la côte nord de la France, incarne le parfait mariage entre élégance et histoire. Son parcours fascinant remonte au XIXe siècle, lorsqu’un notaire parisien du nom d'Alphonse Daloz acquiert le Domaine du Touquet, alors un hameau principalement composé de sable qu’il compte transformer en vaste forêt de pins. Son plan change rapidement lorsque Hippolyte de Villemessant, le fondateur du Figaro, lui propose d’y développer à la place un lieu de villégiature pour les Parisiens. C’est donc en 1882 que le lotissement Paris-Plage voit le jour. En seulement un an, il attire déjà une trentaine d’habitants.

Deux visionnaires britanniques, John Whitley et Allen Stoneham, captivés par le potentiel inexploré d’une région côtière pleine de charme, décident de reprendre le flambeau et de faire de ce rêve une réalité. Au cœur de cette histoire de pari fou, l’eau a joué un rôle crucial dans la transformation du Touquet-Paris-Plage. Après tout, comment aurait-il pu en être autrement ?

Cette aventure commence aussi en 1882, lorsque Whitley et Stoneham font l’acquisition de terres vierges au nord de l’estuaire de la Canche. Leur ambition ? Transformer le village anonyme du Touquet en une station balnéaire de luxe. En 1896, la Société des Eaux de Berck-sur-Mer voit le jour. Elle deviendra plus tard la Société des Eaux du Touquet. Le développement de la station balnéaire est fulgurant, métamorphosant une étendue de dunes tranquille en un lieu d’élégance et de raffinement. Le choix du nom « Le Touquet-Paris-Plage » ne doit rien au hasard. En associant le nom de la capitale française à celui de la station balnéaire, Whitley et Stoneham espèrent attirer l’attention de l’aristocratie parisienne toujours avide d’exclusivités. D'ailleurs, grâce au chemin de fer du Nord et à la ligne de tramway électrique Étaples - Paris-Plage, inaugurée en 1900, les citadins peuvent rejoindre la mer en seulement trois heures ! Le Touquet-Paris-Plage s’impose alors comme une destination idéale pour les citadins en quête de détente et de divertissements. 

Au début du XXe siècle, le succès est donc au rendez-vous. La haute société britannique, notamment, se rue vers ce havre de paix qui rivalise avec les plus prestigieuses destinations touristiques européennes. Des personnalités éminentes, des artistes et des écrivains renommés tels que H.G. Wells et Noel Coward succombent aux charmes de la station balnéaire. Si bien qu’en 1904, afin de satisfaire la demande croissante en eau, un forage est réalisé à une profondeur de 50 mètres sur le territoire de Rombly, autrefois une zone inondée. Cette station de pompage du « Rombly » a une particularité remarquable. Son eau est spécialement prisée en raison de ses qualités thérapeutiques : une teneur en nitrates faible lui permet d’être employée sans aucun traitement. Sa réputation est telle qu’un pavillon est même construit dans le jardin le long du parc du château pour que les curieux puissent la goûter. D’ailleurs, la Société des Eaux du Touquet continue à ce jour de  distribuer cette même eau provenant de la source du Rombly.

La Société des Eaux de Berck-sur-Mer obtient en 1906 le privilège exclusif de fournir de l’eau à tous les clients de Paris-Plage. En 1921, un contrat de distribution d’eau potable est signé avec la commune du Touquet-Paris-Plage. Un an plus tard, la distribution d’eau dans la ville de Lens est concédée à la Compagnie Générale des Eaux. La Société des Eaux de Berck-sur Mer prend alors l’appellation de Société des Eaux du Touquet.

La Première Guerre mondiale apporte son lot de défis. Les combats dévastateurs ont un impact majeur sur la région, détruisant une grande partie des infrastructures de la station. Cependant, l’effort de reconstruction colossal lui permet de survivre aux épreuves et de redonner au Touquet-Paris-Plage son éclat d’antan. Pile à temps pour bénéficier de la légèreté des Années folles. 

Jusqu’après la Seconde Guerre mondiale, en plus de l’eau, la Société des Eaux du Touquet distribue du gaz et de l’électricité. Cependant, après les nationalisations qui suivent la guerre, la société se concentre exclusivement sur son activité d’approvisionnement en eau. Il faut imaginer qu’avec l’arrivée du confort dit « moderne », la demande croissante en eau dépasse largement les capacités de la station du Rombly, en particulier pendant les périodes estivales au Touquet-Paris-Plage et dans ses environs. Pour faire face à ce nouveau chapitre de la Côte d’Opale, un vaste programme de renforcement est entrepris, incluant la pose d’une conduite de 500 millimètres de diamètre reliant la station de pompage du Rombly au château d’eau de Stella, ainsi que la mise en place de réservoirs à Mayvillage et de leurs groupes de surpression. Une nouvelle usine de production d’eau potable est ensuite érigée en 1998, pour soulager la station du Rombly qui peine toujours à satisfaire tous les besoins en eau. Avec cette nouvelle infrastructure, le service de l’eau devient entièrement automatisé avec un système de canalisations étalé sur plusieurs centaines de kilomètres pour assurer une distribution fiable et efficace.

Aujourd’hui, Le Touquet-Paris-Plage continue de captiver les voyageurs du monde entier, perpétuant l’héritage de ses fondateurs visionnaires. Cette station balnéaire historique a su préserver son charme unique tout en s’ouvrant à un avenir rempli de promesses, alimenté par une relation intime avec l’eau, source de vie et de renommée pour cette perle rare de la Côte d’Opale.