Nous sommes entrés dans une nouvelle ère, où les effets du dérèglement climatique sont de plus en plus perceptibles dans nos vies. Les étés à venir seront, selon Météo France, de plus en plus chauds, et en 2050, un été sur deux ressemblera à celui que nous venons de connaître, avec à la clé canicule et sécheresse.
Au-delà des sécheresses perceptibles par tous en été, Météo France et le BRGM nous alertent sur le phénomène de sécheresse hivernale que nous vivons en ce moment, avec une recharge de nappes plus tardive et des températures excessivement élevées ayant assoiffé la végétation.
L'eau, nous l’avons longtemps vue comme une ressource renouvelable illimitée, en tout cas en France. Elle ne l’est malheureusement pas. Son cycle autrefois globalement stable se dérègle, les ressources disponibles en eau douce baissent (-14% depuis 1990). Et au fil des années et de sécheresses de plus en plus marquées, le risque de pénurie d’eau douce augmente, venant s’ajouter à tant d’autres sources d’inquiétudes - COVID, guerre aux portes de l’Europe, inflation, crise de l’énergie, pénuries de médicaments… la liste est longue.
Pourtant les solutions existent et nous avons les moyens de régler, pas à pas, les problèmes à venir de l’eau en France. Pour beaucoup d’observateurs internationaux, notre pays est une terre d’excellence en matière de gestion de l’eau. Les savoir-faire, solutions et technologies sont disponibles et éprouvés pour nous permettre de ne pas vivre avec cette épée de Damoclès au-dessus de nos têtes.
Nous devons pour cela agir collectivement, dès maintenant, et déployer très rapidement les solutions et pratiques adaptées à chaque territoire, pour préserver notre qualité de vie.
C'est la condition pour ne pas avoir à choisir entre tourisme et irrigation des champs, entre souveraineté alimentaire, énergétique et développement économique, entre villes et campagnes. Regardons avec humilité comment Israël, la Californie, ou plus proche de nous, comment nos voisins espagnols et italiens, confrontés plus sévèrement ou plus tôt que nous à la rareté des ressources en eau, ont su s'adapter.
L'union fait la force
Pour relever ce défi, à l’heure où le gouvernement a fait de l’eau la première priorité de son plan de transformation écologique, j’ai quelques convictions fortes.
Tout d’abord, qu'il nous faut agir ensemble, à la maille des territoires, au plus près des usages de l’eau et des besoins. C'est à ce niveau que les projets pertinents peuvent émerger, après avoir été débattus, pour mise en œuvre.
Ensuite, qu'il nous faut agir de façon pragmatique : un petit pas dans la bonne direction, dès que possible, puis un autre, et ainsi de suite, en adaptant au mieux la trajectoire au scénario climatique.
Enfin, qu'il nous faudra mobiliser toutes les forces des acteurs publics et des acteurs privés pour y arriver dans les meilleures conditions.
Sur ce dernier point, une volonté publique forte me paraît indispensable pour anticiper et organiser, et ainsi ne pas la subir, l’adaptation nécessaire de notre rapport à l’eau et de nos usages (domestique, agricole, industriel, tourisme). Elle devra s’appuyer sur les meilleures expertises disponibles pour sécuriser le déploiement des solutions adaptées à chaque situation.
L'importance du défi auquel notre société doit faire face mérite que l’ensemble des acteurs du monde de l’eau - décideurs publics, administrations publiques, bureaux d’études, entreprises de services et technologies spécialisées - unissent leurs forces en conscience pour se donner toutes les chances de gagner la course contre la montre qui a commencé ; en premier lieu, avec la capacité de planification de l’Etat et l'appui des agences de l'eau pour poser les grandes orientations politiques et accompagner les projets et les investissements des collectivités locales.
Il est indispensable d’aller résolument vers une plus grande sobriété des usages, mais cela ne suffira vraisemblablement pas. Il nous faut en parallèle investir dans des infrastructures permettant la réutilisation des eaux usées traitées et le stockage des eaux de pluie notamment, dans une nouvelle génération d’interconnexions de réseaux garantissant la solidarité entre communes ou encore dans la généralisation des compteurs d’eau communicants, outils indispensables pour franchir une nouvelle étape vers plus de sobriété, assumée, maîtrisée et non subie…
Les entreprises peuvent apporter leur capacité d’innovation, leur expérience internationale et leur savoir-faire pour mettre en place, rapidement, des approches, des solutions et technologies qui ont déjà fait leurs preuves dans d’autres pays, sur différents continents. Nous avons la chance inestimable, dans le contexte du dérèglement climatique, d’avoir en France des leaders mondiaux dans la gestion de l’eau et de l'assainissement.
Le dernier baromètre Elabe/Veolia sur la transformation écologique est éclairant : les pouvoirs publics et les entreprises y sont considérés à égalité – 65% – comme des acteurs utiles pour réussir la transition écologique. En d’autres termes, ce que nos concitoyens demandent, car ils sont conscients de l’urgence, c’est que public et privé œuvrent de concert pour limiter les conséquences du dérèglement climatique.
Nous devons agir ensemble, institutions publiques et entreprises, avec le souci d’associer les citoyens pour assurer l’adhésion des Français aux projets d’adaptation nécessaires. Et nous devons le faire vite. Nous le savons : l’inaction nous coûtera plus cher que l’action. Les grands projets d’eau et d’assainissement mettent en moyenne 10 ans à sortir de terre. Activons sans attendre, partout sur le territoire, les partenariats qui nous permettront de disposer, dès la fin de cette décennie, de la première vague des solutions dont nous aurons immanquablement besoin. Le temps nous est compté et il ne joue pas en notre faveur.
Unissons nos forces pour protéger les ressources en eau sur notre territoire.
Lire sur LinkedIn la précédente tribune de Pierre Ribaute :
Manque d'eau : la France peut s'inspirer de l'Espagne... et vice versa